Is ont scrit in Walon
Les auteurs ci-dessous ont écrit quelques textes en wallon que vous trouverez plus bas.
Ballant Florent (05/05/1922 – 05/02/2015). ll exploita la ferme familiale – aujourd'hui La Valette - située au centre d'Ittre et fut un guide passionné de la Forge voisine. Bon connaisseur de la langue wallonne, nous aurions souhaité le compter parmi nos enthousiastes du wallon.
Denef Georges (27/09/1936 – toudi là). Membre d'une fratrie de 8 enfants, il est ordonné prêtre en 1960. Il fut vicaire à Virginal de 1960 à 1968, chapelain au quartier Germinal de Quenast de 1968 à 1976 et nommé curé d'Ittre de 1976 à 2006. Doté d'un solide sens de l'humour, il a toujours aidé les plus humbles.
Heubrecq – Jacqmin Bertha. Elle habitait dans les premières maisons de la Rue de Virginal à Ittre. Décédée vers 1980, elle nous laisse deux poèmes : l'un dédié au train, l'autre au Ry Ternel qui longeait sa propriété.
Lebrun Laure (20/10/1922 – toudi là). Passa sa jeunesse dans le café1 de ses grands-parents, situé à côté de l'ancienne maison communale de Virginal. Après des études techniques à Braine-le-Comte, elle travailla chez Catala, puis à Bruxelles dans un atelier de confection (chemises), et enfin aux Papeteries de Virginal, service comptabilité.
Lisart Pierre (17/09/1937 – toudi là), originaire de la Ferme des Flandres, Rue des Déportés (ex Léopold III), au quartier du Vraimont à Clabecq (Vrijberg pour les habitant de Lembeek), à 400 m de la frontière linguistique. Les bâtiments, érigés en 1705, eurent d'abord une destination de brasserie. Après des études en sciences vétérinaires, Pierre s' installa à Ittre dès 1962. En 1971, au volant d'une VW 1600 TL Fastback, il fut victime d'un grave accident de voiture qui lui laissa de graves séquelles aux jambes. Malgré cela, il força l'admiration de tous, poursuivant une carrière complète en parcourant nos campagnes par tous les temps. Il est notre spécialiste des termes liés à l'agriculture et à l'élevage.
Peeterbroeck José (08/04/1939 – toudi là) est originaire d'Askimpont. Après une formation technique, il travaille dès 1959 comme mécano au garage Pardonche Ford de Nivelles. En 1960, en tant que conducteur de Scraper, il travaille quelques mois au chantier du nouveau canal, à la percée d'Askimpont vers l'écluse 5F. Ensuite, il est engagé à la Papeterie de Virginal et prendra sa prépension en 1996. Sa maison natale et le Temple protestant voisin furent démolis lors des travaux. Près de sa maison, se trouvait une « coulète à manike » où les habitants se pourvoyaient en eau potable. Gai luron, en l'honneur de son patronyme flamand, il signe parfois ses textes d'un très local et fantaisiste : José Peeterbroeck van de Coulète van Askimpont.
Pletinckx Edmond (1903 – 1976) et Jean (1926 – 2014). Edmond, après des Humanités à Braine-le-Comte et Bruxelles, réalisa une carrière d'Expert Comptable aux C.C.P. Jean, après ses Humanités, fit carrière chez Kirkpatrick à Ixelles, au Bureau de Dépôts des Brevets et des Marques. Père et fils furent d'extraordinaires musiciens : clarinette, tuba, trombone, piano, etc. : ène vréye fanfare à yeûss' deûs !
Temmerman- Druet Marie-Thérèse. (22/10/1932 – toudi là). A passé sa jeunesse au hameau Saint-Pierre à Nivelles. Après des études en comptabilité, de 1950 à 1953, elle travailla au Bureau des Papeteries de Virginal à Bruxelles. Elle fut secrétaire de la Commission d'Assistance Publique à Ittre de 1958 à 1977, puis Secrétaire C.P.A.S. de 1977 (fusion des Communes) à 1998. C'est LA spécialiste du parler wallon nivellois, légèrement différent du nôtre. Ses textes sont toujours empreints d'empathie et de sensibilité. Elle ne supporte pas les inégalités sociales et soutient toujours les plus faibles. Elle suivit les cours de wallon pendant 6 ans à Nivelles : M. Chaufoureau et M. J-J Chapelle.
Vanderstokken Jeanine (24/02/1956 – toudi là). Née à la Rue des Rabots, ses racines sont ancrées dans notre terroir. Elle fut institutrice à Tubize de 1976 à 2006 (Ecole des Soeurs). Toujours souriante, ses rires sont communicatifs.
Tchanson d' Vès'nau
A no mézo,
C'esst'ène grande cinse
Avou dès vatches
Èt dès polèts
D' t' avau lès prés.
Yè quand arife
Èl bia dimince
On mindje dèl târte
Au cras stofé
A volonté !
Tout al coupète,
Bî fièr, s'instale
L'èglîje Sint-Pière
Yè 'l pinsionat.
Avu no scole,
On troufe dins 'l fond
L'usine à feûtes
Yè dès couvèrtes
Dè tous lès tons,
C'est Catala !
Pus lon, Skimpont :
Y a 'ne papètrîye
Yusk'on fabrike
Du bia papi
Pou lès scolis.
On cite Fauquez
Pou sès vèr'rîyes.
Ès' vêre splendid'
Esst' invouyi
Dins tout 'l payi !
Au Bo dès Rocs
N'a pus d' soûrcières
Dansant 'l sabat
Su leû baston
A gros chabots.
On passe asteûr
Dins sès pièsintes
Vrémint trankîyes,
In bon tapis
Pa-d'zou lès pîds !
Hymne virginalois
A notre maison,
C'est une grande ferme
Avec des vaches
Et des poulets
Partout dans les prés.
Et quand arrive
Le beau dimanche
On mange de la tarte
Au fromage gras
A volonté !
Tout au-dessus,
Bien fière, s'installe
L'église Saint-Pierre
Et le pensionnat.
Avec notre école,
On trouve plus bas
L'usine à feutres
Et à couvertures
De toutes les couleurs,
C'est Catala !
Plus loin, Askimpont :
Il y a une papeterie
Où on fabrique
Du beau papier
Pour les écoliers.
On cite Fauquez
Pour ses verreries.
Son verre splendide
Est envoyé
Dans tout le pays !
Au Bois des Rocs
Y a plus d' sorcières
Dansant le sabbat
Sur leur bâton
En gros sabots.
On passe maintenant
Dans ses sentiers
Vraiment tranquilles,
Un bon tapis
Sous les pieds !
Lès djins d' Vès'nau
Sont d' ène bone race
Is sont rconus
Dins tout 'l payi
Dèspu toudi.
On s' vwoût volti
On sét s' fé plézi
Chacun travaye
Avè ardeûr
Yè bone umeûr !
Rèfrin :
Ô ! Ô ! Ô !
Vîve Vès'nau
Pus' qu'i pieut
Pus' qu' i 'fét biau (bis)
Texte transmis par Jacques Vanderlinden.
Les gens de Virginal
Sont d'une bonne race
Ils sont reconnus
Dans tout le pays
Depuis toujours.
On s'aime bien
On sait se faire plaisir,
Chacun travaille
Avec ardeur
Et bonne humeur !
Refrain :
Ô ! Ô ! Ô !
Vive Virginal
Plus il pleut
Plus il fait beau (bis)
Les tchas du vilâdje
Ca stoût ène nût' dè clèr dè bèle, yè dji ravisoûs al bowète. Dji stoûs binèje : èm' n-ome astoût rintré à timps yè nos d'avine bî profité… ! Adon, dji stoûs al bowète, dji sondjoûs à 'm djoûne timps, à mes rindez-vous padière l'èglîje…
Tout d' in cou, dj'intinds :
« Miaw… aaawouuuw… »
Ca stoût les tchas d' l'amia, is stine à leu n-afêre, ça brèyoût., ça brèyoût… !
Dj' ascoutoûs d' ène orèye leu bèrdèlâdje,
Yè vos savez bî koû ? Dj'ai fini pa comprinde sacantès frâses.
Ca daloût dinsi :
- Miaouwww… aaawouuu, vérez d'mangn ?
- Waaayyye… !
- Pa yuuu ?
- Pal ruwèèèèle… !
Vos n'èl crwèrez putète ni, mins les tchas calaud'nè in walon ! Come dji vo 'l dis !
Jeannine Vanderstokken, avril 2009. Selon une histoire recueillie au coin du feu.
Les chats du village
C'était par une nuit de pleine lune et je regardais par la lucarne. J'étais bien, mon Jules était rentré tôt et nous en avions bien profité ! Alors, j'étais à la lucarne, et rêvais à ma jeunesse, à mes rendez-vous derrière l'église…
Tout à coup, j'entends :
« Miaouwww…aaawouuuw… »
C'étaient les chats du hameau, ils étaient à leur affaire, ça miaulait, ça miaulait… !
D'une oreille, j'écoutais leur conversation.
Et vous savez quoi ? J'ai fini par comprendre quelques phrases.
Ça allait comme ceci :
- Miaouwww… aaawouuu, tu viendras demain ?
- Ouiii… !
- Par oùùùùù ?
- Par la ruèèèlle… !
Vous ne le croirez peut-être pas, mais les chats conversent en wallon ! C'est comme je vous le dis !
Askimpont Au P'tit Brusèle
Pou 'l ci qui n'a ni counu les anéyes chinkante, hè bi, à Skimpont, il avoût in cabaret qu'on apèloût « Au P'tit Brusèle ». I stoût t'nu bî seûr pa des Brus'léres qu'on apèloût Madame Anna yè Mossieû Fernand. Tous les cîs qui daline bwêre in vére dwélà, ça stoût pou bwêre ène bone gueuze Vanden Stock. On viyoût tékfwè èl mèd'cin Djan Dumont qui in min.me temps dèmandoût si 's feume n'avoût ni tèléfoné pou li fé dire qu'il avoût 'ne vizite dè pus à fé dins 'l coron. Il avoût ètou les ouvris d'èl Papètriye qui rpassine après leu djournéye, yè in vî djoûne ome qu'on apèloût Fernand d' Twène. Èm' n-ome buvoût pus qu' i 'n faloût. I travayoût à 'l vèr'riye, come soufleû. Put-ète que c'est pou ça qu'il avoût toudi swè. Les diminces qui fèyoût bon timps, les tourisses (waye, i d'avoût d'djà !) yè les pècheûs rpassine bwêre leû gueuze avu d'èl grènadine. Mi qui stoûs èfant, dji vudoûs les cus d'vére yè d' m' inraloûs in tchantant Marie Clape Chabot. Adon 'm mame mè foutoût ène bone bèrlafe à 'm n-orèye. Dj'in.mous bî daler avu 'm grand-pére quand ça stoût 'l ducasse au mwès d'djulète. Mossieû Fernand yè Edgard du Bon Accueil (co in cabaret !) organizine ène course à vèlo qu'èl dèpart sè fèjoût à 'ne place yè l'arivéye à l'aute place. Pou in p'tit amia, dinsi, ça stoût ène bèle ducasse pask' èl djou d'èl course, il avoût in ponton avu 'ne viole yè in moulin à chèniye. C'est là-d'su què sacans coumarâdes pus vièy' què mi ont apris à rimbrassi les fîyes quand 'l bache lès mouchoût ! D'aucunes coumères asprouvine dè mète leu langue dins leû bouche, mins adon, is leû dizine qu' is daline lès taper dju dèl machine ! Non mins… ! Sins savwêr si èles astine vacsinéyes… !
Maleureûsmint, èl Pètit Brusèle a disparu inviè 1960 pou fé place au nouvia canâl, yè Madame Anna yè 's n-ome Fernand ont dû 's rézoude à kiter leû cabaret qu'is in.mine tant, pou daler fini leû viye à Brusèle dè yusk' is v'nine. C'est dinsi qu' ça va ! Alez, i d'èra co d' z-autes.
José Peeterbroeck « van de Coulète van Askimpont », mai 2008.
Askimpont Au Petit Bruxelles
Pour celui qui n' a pas connu les années 50, hé bien, à Skimpont, il y avait un café qu' on appelait « Au Petit Bruxelles ». Il était tenu, bien sûr, par des Bruxellois qu' on appelait Madame Anna et Monsieur Fernand. Tous ceux qui y prenaient un verre, commandaient une bonne gueuze Vanden Stock. On y voyait parfois le médecin Jean Dumont qui, en même temps, s' inquiétait de savoir si son épouse avait téléphoné pour une visite supplémentaire à faire dans le coin. Il y avait aussi les ouvriers de la Papeterie qui y passaient après leur journée, ainsi qu'un vieux célibataire dit Fernand d' Twène. Celui-ci buvait jusqu' à plus soif ! Faut dire qu'il travaillait à la verrerie comme souffleur : c'est peut-être pour cela qu'il avait toujours le gosier sec ! Les dimanches de beau temps, les touristes (déjà présents), et les pêcheurs, repassaient boire leur gueuze à la grenadine. Moi, encore enfant, je vidais les fonds de verres et m'en retournais en chantant Marie Clape-Chabots. Alors, ma mère me balançait une gifle. J'aimais accompagner mon grand-père lors de la ducasse de juillet. Monsieur Fernand et Edgard du Bon Accueil (encore un café) organisaient une course cycliste dont le départ se faisait chez l'un, et l'arrivée chez l'autre. Pour un petit hameau, c'était une belle kermesse car le jour de la course, il y avait un ponton avec un orgue mécanique ainsi qu'un carrousel à chenilles. C'est là-dessus que quelques amis plus âgés que moi ont appris à embrasser les filles lorsque la bâche les cachait ! Certaines essayaient de fourrer leur langue dans leur bouche, mais alors, ils les menaçaient de les jeter en bas de la machine. Non mais… ! Sans savoir si elles étaient vaccinées… !
Malheureusement, le « Petit Bruxelles » a disparu vers 1960, pour faire place au nouveau canal. Madame Anna et son époux ont dû se résoudre à quitter leur café qu'ils aimaient tant pour aller finir leurs jours à Bruxelles d'où ils provenaient. C'est ainsi que va la vie ! Allez, il y en aura encore d'autres.
Bagadji
Bagadji, c'est pus facîle à dire què d'èl fé.
Quitter 's vilâdje, ès' tére ayusk' on est né, i faut savwêr prinde sès dècisions. Quand on couminche à n' pus savwêr qué djou qu'on est, eyè qu'èl moulin èn' toûne pus rond ! On lèche tout à l'abandon !
L'ouvrâdje, i n' faut pus bran.min d' in pârler, bah, dji 'l frai dèmin ! Eyè démin, c'est pou 'l djou d'après ! On vût co fé chènance, mins ça n' va pus, on r'vwèt toute ès'viye ! Tout ça a sté pus rèd' qu'èl vint !
Dins les tirwèrs, on rtrouv' dès vièles aféres, dès portrèts du timps passé, dès lètes dès djins qu'on a counus, yè qu'il a laumin qu'is sont dalés vîr Modèsse : l'ançyin fosti du vilâdje.
Allons, èn' pinsons pus à ça : dèmin est st-in n-aute djou ! Au rvwêr à tèrtou ! Dji vos souwéte dès kèrtchéyes dè soley', Yè ni trop souvint d'arnokes !
Laure Lebrun, Vèznau, 2006.
Déménager
Déménager, c'est plus facile à dire qu'à faire.
Quitter son village, sa terre natale, il faut savoir se décider. Quand on commence à ne plus savoir le jour qu'on est, et que le moulin ne tourne plus rond ! On laisse tout à l'abandon !
L'ouvrage, il ne faut plus trop en parler, bah, je ferai ça demain ! Et demain, ça sera pour le jour d'après ! On veut encore donner le change, mais on revoit toute sa vie ! Tout ça a été plus vite que le vent !
Dans les tiroirs, on retrouve d'anciennes photos, des lettres de ceux qu'on a connus et qui depuis longtemps sont allés voir Modeste :
l'ancien fossoyeur du village.
Allons, n'y pensons plus : demain sera autre ! Je vous souhaite à tous des pelletées de soleil. Et pas trop de déboires !
El papiyon èyè 'l roûse
Il a foûrt lonmin,
Dins 'l tout prèmi djârdin du monde,
In papiyon frécantoût ène roûse.
Èle li z-a douvri 's kieûr !
C'est dèspû ça
Qu' èl cousâdje dès roûses
Ès fét avu dès éles dè papiyon !
Mins dès éles qui sintent bon !
Laure Lebrun, Vèznau, décimbe 2006.
Le papillon et la rose
Il y a très longtemps
Dans le tout premier jardin du monde,
Un papillon courtisait une rose.
Elle lui a ouvert son coeur !
C'est depuis lors
Que les coutures des roses
On les fait avec des ailes de papillon !
Mais des ailes qui sentent bon !
Porchetta dlé Edith yè Stan De Bie. El tuwâdje du pourcha.
Les tchaleûrs yè les mouches ont passé, on va ralumer 'l four'. In cou v'nu 'l mwè d' novimbe, i faut bi ratinde ès' toûr. L' armonak dè Lièche èl dit : c'est 'l moumint d' tuwer 'l pourcha.
Sougni al farène dè blé yè p'tites patakes, il est dèvnu bi cras. Il est timps d' prév'nu l' ome pask' il est foûrt ratindu ; des gayârds come li, francs yè vayants, i n' d' a pus nu.
Èl djou vnu, tout est prèsse : on a rnètiyi 'l ran,
les coûrdias, l'èstrin d' froumint, 'l bassin pou 'l sang. I n'a ri qui manke : les fils pou pinde èl saucisse au guèrni, èl boutèye dè goute à 's place, l' afère pût couminchi. L'ome est st-arivé à chabots, des guètes, ène barète dè cûr. Ene lampéye dè jènèfe pou 's mète in foûrme, asteûr èl pus dûr !
Ène keuwète pa-d'vant, ène padière, on soûrt èl bièsse, èle sè fét priyi, tèrtou à 's place, les èfants aux fèrnièsses in coup d' mayèt su 's front, 'l pourcha vole su 's cu ! Pou l'ome dè mèsti, piki al goûrdje, ç 'n' est ni l' afère d' in bossu ! Èl sang brotche dins 'l bassin, i d' in faut pou les nwèrtès tripes. Brûlé, scrèpé, èrlavé, c'est pus lès pin.nes qu'i s'agripe.
Pindu pa les pîds, au dérni sploton d' l'èskiyèye, findu, dèsvudi, coupéyes les pates yè les orèyes, èl pourcha est bi moûrt. Èl bouchi dwèt rprinde alin.ne. Èl 2ème goute, i d'a dandji come in tch'fau d' ès' n-avin.ne. Pou 'l dèscoupe, paciyince, faut qu'èl viyande s' èrpwèsse. Èl boutèye dè goute est st-à mitan : c'est pou d'min 'l fièsse !
L'ârtisse Pierre Lisart, 2009.
L'abattage du cochon
Disparues les chaleurs et les mouches, on va rallumer le four. Une fois venu le mois de novembre, faudra attendre son tour. L'almanach de Liège le dit : c'est le moment de tuer le cochon. Soigné à la farine de blé et petites patates, il est bien gras. Il est temps de prévenir l'homme car il est très attendu ; des gaillards comme lui, francs et vaillants, on n'en trouve plus.
Le jour venu, tout est prêt : on a nettoyé la loge, les cordes, la paille de froment, le bassin au sang. Rien ne manque : les fils où pendre les saucisses au grenier, la bouteille de goutte en place, on peut commencer. L'homme est arrivé en sabots, guêtres et casquette de cuir. Une lampée de genièvre pour se mettre en forme, on attaque !
Une corde devant, une autre derrière, on sort la bête. Elle se fait prier; tous en place, les enfants aux fenêtres. Un coup de maillet sur le front, le cochon est sur le cul ! L'artisan qui doit entailler la gorge, faut qu'il soit adroit. Le sang gicle dans le bassin, c'est pour le boudin noir. Brûlé, gratté, lavé, c'est plus la peine qu'il se débatte.
Pendu par les pieds au dernier échelon de l'échelle, fendu, vidé, coupées les pattes et les oreilles, cochon est bien mort. Le boucher doit reprendre haleine. La deuxième goutte, lui est, comme au cheval, son avoine. Pour la découpe, patience, faut que la viande repose. La bouteille est à moitié : c'est demain qu'on fera fête.
El fauve du gris couyu
I stoût à pachi, lauvau, al cinse du Pou. Ça n'èstoût ni 'l paradis, ça n'èstoût ni 'l Pèrou ! Lès coumères, 'squ' asteûr, ça n' fèzoût ni 's n'afêre : avu 'l casake qu'il a, avu sès pwèy' d' iviêr, ça n'èstout ni dèmain qu'on froût d' li in ronsu, qu' pour li, sondji à ça, ç'astoût foutu.
On li z-avoût dit ètou qu'il a kékes anéyes, à Smette, yun d' sès mounonkes fèzoût 'l tournéye in camionète. Foch qui s'apèloût, sès mésses d'astine foûrt binéjes : d'avri 'squ' à l'awouss', i fèzoût 's n-ouvrâdje à 's n-éje ! D'ène cinse à l'aute, ç'astoût d' li qu' on avoût dandji. Pou alver lès poulins, on n' povoût ni chwèzi.
Couvri lès cavayes, sins passer pal fèrnièsse, pourmèner sins s' èscrandi, qué mèsti d' fièsse ! Tout 'l minme, i s' d' in fèzoût ène plotche dè mouron. On comprind ça, li qui' i n' avoût qu' à mindji 's sicoron. Mins ç-timps-là est woute, disst' i, i n' a pus qu' à ratinde qu' lès cinsis euche d'autes z-idéyes à mète pinde.
I s' èrmètrine à pik'ter, à tchèriyi, à fauki, lès tch'faus nwêrs, lès blonds yè lès gris, atèlés au bènia, au tchâr à bindâdjes, au binwè, al tchèruwe, is d' in frine dè l'ouvrâdje ! Il astoût là, stoki au pîd d' in poupli, sès idéyes daline yè rvènine, poukè ni ?
A ç-moumint-là, sins qu' on li dîje in mot, il a sintu qu'on li fachoût lès chabots. In deûs timps, trwès mouv'mints, lè vlà su 's cu. Ène djambe in l'ér, deûs intayes, fini d' yèsse couyu !
Morale dè l'istwêre : I faut bi wêres d' aféres pou fé d'ès' monde-ci in paradis. Mins i d' in faut co bi mwins' pou qu' ça n' fuche ni dinsi !
L'ârtisse Pierre Lisart, 1998.
La fable du gris couillu
Il était en prairie, là-bas, à la ferme du Pou, ce n'était pas le paradis, ce n' était pas le Pérou ! Les filles, jusqu' à présent, ce n' était pas son affaire : avec la toison qu'il a, avec ses poils d'hiver, ce n'était pas demain qu'on ferait de lui un roncin, que pour lui, y penser, c'était foutu.
On lui avait dit aussi qu'il y a quelques années, chez Smette, un de ses oncles faisait la tournée en camionnette. Il s'appelait Foch, ses maîtres en étaient fort contents : d'avril à août, il faisait l'ouvrage, à l'aise ! D'une ferme à l'autre, on avait besoin de lui. Pour élever les poulains, on ne pouvait choisir.
Couvrir les juments, sans passer par la fenêtre, promener sans se fatiguer, quel métier de fête ! Quand même, il se faisait un peu de mouron. On comprend ça, lui qui n'avait qu'à manger son escourgeon. Mais ce temps-là est dépassé, dit-il, il n'y a plus qu' à attendre que les fermiers aient d'autres idées à exposer.
Ils recommenceraient à faucher, à charruer, à faucher les chevaux noirs, les blonds et les gris, attelés au tombereau, à la charrue, au char à bandages, au binoir, à la charrue, ils en feraient de l'ouvrage ! Il était là, debout au pied d'un peuplier, ses pensées allaient et venaient, pourquoi pas ?
A ce moment-là, sans qu'on lui dise un mot, il a senti qu'on lui emmaillotait les sabots. En deux temps, trois mouvements, le voilà sur le cul. Une jambe en l'air, deux entailles, fini d'être couillu !
Morale de l'histoire : il faut bien peu de choses pour faire de ce monde-ci un paradis. Mais il en faut encore bien moins pour qu il n'en soit pas ainsi !
Èl laboureû yè sès èfants
Boutez, boutez, eûchiz du mau, Maria Déyi, d' l'ouvrâdje, pou les laboureus, i d'èra toudi.
In vi mèzalé cinsi, intindant buski 'l fosti apèla ses trwès djoûnes yè leû dit :
« L'éritance dè nos parints, n'èl vindez jamé, min.me à in promoteû, vos srez couyonés. A ç' qu' i m'parèt, in trésor est muchi dins no tére. Ayu ? Ça d'meûre dèspu lon.min in mistére ! Fossez, yè bi seûr, vos trouver'rez ! Dirèk après l'awousse, vos fouy'rez
Tous nos tchamps yè tous nos pachis, Toudi à rlaye, inchène, sins lachi ».
Vlà 'l pére qui sèr' ses îs pou toudi. I n'est co seulmint qu'à mitan rafrwèdi, qu' les trwès fieus s' mètine à fouy'ter, escoupyi, foncer, fosser yè rafosser. Ri !
« Nom di Dju, i nos a bi yeûs, 'l pére, dist-i Numa. Si on leuw'roût in foûrt motoculteur à Locma ? » Ene dèmi-eûre pus târd, vlà l'djindjole qui brouye : ça fèzout d' l' ouvrâdje min.me dins les bèrdouyes, dè pus in pus parfond. In moumint, on a intindu « Schklonk ! ». El machine s'a arêté, moteûr dèstindu. Ene sakè chiloût. « Dju !, nos vlà in rac ! Ène cigarète, yè on rwétra çou qu' est patraque !».
El lindmin on a li dins les nouvèles :
« Esplosion : trwès tuwés à Nivèle ! »
Moralité :
Dèvant d' fé, pou vo tèstamin, branmin du fèl, dites d'aboûrd
ayusk' i passe èl gaz naturèl.
Jean-Marie Gervy, Ittre, 10 janvier 2008.
Le laboureur et ses enfants
Travaillez, donnez-vous du mal, Sainte Mère, du boulot pour les laboureurs, il y en aura toujours.
Un vieux fermier impotent, entendant le fossoyeur héla ses trois fils et leur tint ce langage :
« L'héritage de nos parents ne le vendez jamais même à un promoteur : vous serez roulés. Paraît-il, un trésor est caché dans notre terre. Où ? Cela demeure depuis longtemps un mystère ! Bêchez, et sûrement, vous trouverez ! De suite après la moisson, vous fouillerez tous nos champs et toutes nos prairies, sans relâche, ensemble, sans rien lâcher ! ».
Voilà le père qui ferme les yeux pour toujours. Il n'est pas encore à moitié refroidi que les trois fils se mettaient à bêcher, bêcher, re-bêcher et encore et encore. Rien !
« Nom d'une pipe, il nous a roulés, le père, dit Numa. Si on louait un bon motoculteur chez Locma ? ». Une demi-heure plus tard, voilà l'engin en route : à l'ouvrage, même dans les boues, de plus en plus profond. A un moment, on a entendu « Schlonk ! ». Machine arrêtée, moteur éteint. Quelque chose sifflait : « Dju, nous voilà en rac, une cigarette, et on cherchera la panne ! ».
Le lendemain on a lu dans les nouvelles :
« Explosion, trois tués à Nivelles ! »
Moralité :
Avant de faire, pour votre testament, trop de zèle, dites
d'abord par où passe le gaz naturel.
Èm' copin Simon
Alez ké vo baston, Simon !
Nos dèskindrons squ' au Roudje-Bouton,
Yè nos rmontrons pal Mézonée !
Ça nos fra 'ne bèle randonée.
Ça nos candjra dè no p'tit toûr,
Ça vos rapèl'ra vos amoûrs.
N' vènez ni dire què dj'ai minti,
Vos stiz toudi stitchi par ci !
Vos daliz, ça dji vos l' rapèle,
Vîr ène coumère qui stoût foûrt bèle !
Vos n' l'aviz ni pour vous tout seû,
Ele avoût des autes amoureux.
Adon, quand vos l'avez apris,
Z'avez volu vos fé pèri !
Dji n' vos ai ni lèyi fé ça,
Dji vos ai tout de swite pris pau bras.
Nos avons fé les cabarèts,
Nos buvine come dès Polonais,
Nos avons fé les kate cints coups !
Pou fini, d'avons yeu nos soû.
Adon, nos nos stons arpintis :
Fé guinse, pour nous, c'est bi fini !
Nos èstons rintrés dins les rangs,
Nos avons 'ne feume yè dès èfants,
On n' pâle pus d' nous dins no vilâdje.
Faut dire què nos stons rdèvnus sâdjes.
C'est tikfwô bon dè s'rapèler
Pindant ès'djon.nèsse, tout ç-qu'on a fét !
Jean-Marie Pletinckx, Vèznau, décimbe 2004.
Mon copain Simon
Va chercher ton bâton, Simon !
Nous descendrons jusqu'au Rouge-Bouton
Et nous remonterons par la Maisonnée !
Ça nous fera une belle randonnée.
Ça nous changera de notre petit tour,
Ça nous rappellera nos amours
Ne viens pas dire que j'ai menti,
Tu étais toujours aux aguets par ici
Tu allais, je te le rappelle,
Voir une demoiselle qui était fort belle !
Tu ne l'avais pas à toi tout seul,
Elle avait d'autres amoureux.
Alors, quand tu l'as appris
T'as voulu te faire périr !
Je ne t'ai pas laissé faire ça,
Je t'ai attrapé par le bras.
Nous avons fait la tournée des cafés.
Nous buvions comme des Polonais,
Nous avons fait les 400 coups !
Pour finir, nous en avons eu notre soûl.
Alors, nous nous sommes repentis :
Faire la fête, pour nous, c'est bien fini !
Nous sommes rentrés dans les rangs,
Nous avons femme et enfants,
On ne parle plus de nous au village.
Faut dire que nous sommes redevenus sages.
C'est parfois bon de se rappeler
Pendant notre jeunesse, tout ce que l'on a fait.
Dji vos vwès volti
Dji vos vwès volti !
Dji n' ouzoûs ni vos l' dîre.
C'est dèspu toudi,
I n' faut ni d' in rîre.
Ça m' pléroût tél'mint
D' vos prinde dins mès bras !
Mins d' sés ni coumint
M'intèrprinde pou ça !
Dji poûroûs bi seûr
Vo fé in cadau,
Acater dès fleûrs,
In scoû à caraus.
Mins coumint yèsse seûr
Què ça vos pléra ?
Yè si pa maleûr,
Ça n'èstoût ni 'l cas,
Dj'èroûs fét dès frés
Sins avwêr rî yeû,
Yè dj' èroûs passé
Pou in arnakeû.
Si ça stoût à rfé,
Dj' vos èroûs rî dit.
Dj' avoûs èspèré,
Mè vlà bi d'bauchi !
Jean-Marie Pletincx, 2005.
Déclaration d'amour
Je vous aime !
Je n'osais pas vous le dire.
C'est depuis toujours,
Il ne faut pas en rire.
Ça me plairait tellement
De vous prendre dans mes bras !
Mais je ne sais comment
M'y prendre pour ça !
Je pourrais bien sûr
Vous faire un cadeau,
Acheter des fleurs,
Un tablier à carreaux.
Mais comment être sûr
Que ça vous plaira ?
Et si par malheur,
Ce n'était pas le cas,
J'aurais engagé des frais
Sans avoir rien reçu,
Et je me serais fait passer
Pour un arnaqueur.
Si c'était à refaire,
Je ne vous aurais rien dit.
J'avais espéré,
Me voilà bien déçu !
Notrè Pére
No Pére qui stez au cièl, què vo no suche sanctifiyé,
Què vo ringne vène, què vo volonté suche fète sul têre come au cièl !
Donez-nous audjoûrdu nos pangn du djoû !
Pardonez-nous nos fautes come nos pardonons ètou à lès cis qui nos ont fé du mau,
Yè èrpoûssez d' nous 'l tintâcion yè èrsakiz d' nous èl mau !
Amen !
Georges Denef, dit : èl Bèrdji dès Bèdots.
Comptines
1. Transmise par Sophie Lisart :
Dj' èm' souvis d'èm' prèmière comuniyon
Dj' astoûs binéje pindant 'l sèrmon
Avu 'm tchandèle, dj' ai mis 'l feu à 'm tchèmîse
Ça stoût bia 'l feu dins l' èglîje !
Djè n'ai jamé yeû pon d' tchance,
Pon d' tchance, pon d' tchance.
Yè maugré qu' dj'ai plondji dins 'l bènitier,
Dj' astoûs tout fricassé !
2. Transmise par Jean Marie Lambert :
Flamind tièsse dûre
Marone dè cûr
Satch à patates
Stûvé d' navia
3. Transmise par Sophie Lisart :
Èm' mame m'a dit quand dj' astoûs p'tit
Que d' pichoûs toudi dins lès lits.
Èle m'a co dit qu' si d' pichoûs co
Qu' èle coûp'roût 'm pètit chuflot !
4. Transmise par Mathieu De Meyer :
I stoût in coû yun
Qui stine à deûs,
Yè qui s'batine à trwès
Come kate djâles.
Eûreûs'mint qu'èl chinkième esst' arivé
Sinon èl chizième astoût moûrt
Yè is stine à sèt' dins 'ne famiye dè wit'.
5. Transmise par Mathieu De Meyer :
I stoût in coû in leûp
Qu' a foutu 's pate dins 'l feû
Qui l' a rsaki t'aussi rèd'
Qu'il a brûlé 's keûye !
6. Transmise par José Peeterbroeck :
In djoû, ç-astoût au nût'
L'orâdje grondoût in silence
In ome, achis au cwin d'ène tâbe ronde
Lîjoût ène gazète ni co impriméye.
Tout d' in coûp l' uch douvièrte s'a sèré
Trwès blancs négues arivine
In poûrtant chake in cadâve vivant.
Dè peû, is ont dèskindu au guèrni
Pou monter al câve
7. Transmise par José Peeterbroeck :
Fonse-cu,
Pière-prone,
Miyin- d' l'ai- à-vèsse,
Prèsse-à-tchîr,
Broke-dins-l'aye !
8. Transmise par Jacques De Middeleer :
Èl pètit Louis montoût sul tchèri
Pou cachi dès pichoulis
Èl champète l'a vu, il a couri à 's cu
Si rèd' qu'il a pièrdu 's barète
Variante :
Avez vu Louis qui cachoût à pichoulis
Pou 's pètit canari ?
Èl comissére l'a vu, il a couru si rèd'
Qu'il a pièrdu 's barète
9. Transmise par Jacques De Middeleer :
- Ayu dalez ?
- A Baulé !
- Kè fé ?
- Ké du lét !
- Pou qui ?
- Pou 'm mame !
- Koû-ce qu'èle a ?
- L'èskite dè via !
10. Transmise par Corine Degauquier :
Souye, souye, souyète,
Des gayes yè dès noujètes,
Qui ç-qui lès crokra ?
Èl djâle avu 's martia !
11. Transmise par Jacques Vanderlinden :
Marchau, bwète à clôs !
Ène broke à 's cu,
I n' tchîra pus !
12. Transmise par Jacques Vanderlinden :
Pandoûre, marone dè vloûrs,
Tchapia à coûnètes,
Volez 's tamblète !
13. Source inconnue :
Lès clokètes sont des clicotias
Qui clicote yè qui chufèle
Dins 'l vint d' bîje
Comptine bilingue
In wôle-walon
Avu son stok-à-bâton
A mindji mon hèsp-jambon
Dans ma huize-mézon
Entendu à Saintes
Vèznau
Dè tous lès vilâdjes, al ronde,
C' est bî Vèznau qu' est 'l pus bia !
Quand tous lès autes sont co dins l'ombe,
A Vèznau èl solèy' lût d'djà !
Quand ayeû, il a dès bèrdouyes
A Vèznau, i n' a jamé d' potcha.
Èl sâbe, ça n' fét ri qu' on l' èrmouye,
Tant pusk' i pieut, pusk' i fét bia !
Rèfrin
Dins tous lès invirons,
N' a ni d' pus bia coron,
Tout est guéy', yè djoli,
C'esst 'in vré paradis.
In iviêr, in èsté,
N' a ni d' koû s'imbéter.
Quand on n' a ri à fét
On s'inva pourmèner.
Nos vîs, pou patron d' no parwoisse,
C'est 'l grand Sint-Pière qu'is ont chwèzi,
S' dizant qu' pou avwêr ène bèle place,
Fét bon d' yète bi avu 'l poûrti !
Yè 'l grand Sint-Pière, toudi bonasse,
D' l' oneûr a volu lès rmèrciyi :
C'est ça qu'il a fét d' no parwoisse
In vré p'tit coin d' paradis !
'L panorama est magnifike,
Nos stons pus waut qu' tous nos vizins.
Si on aroût dès bones bèrlikes,
On vîroût djusqu' à Louvin.
On apèrcwèt 'l cloki d' Nivèle,
Èl mote au Liyon d' Watèrlot,
Èl Palè d' Djustice dè Brusèle,
Yè tout autoûr, ène masse dè bos.
Èl contréye est foûrt pitorèske,
Il a dès tiènes à volonté,
Dès tchamps yè dès pachis tout d' crèsse,
Dès grosses ayes alintoûr dès prés.
Nos stons arozés pal Sènète,
Yè co pau Ri dou Bassindji.
Il a dès p'tits cwins pou fé trimpète,
Yusk' on n' est jamé dèrindji !
Nos avons 'ne sakè d'artistike :
L' èglîje dè marbrite dè Fauquez.
Yè tout conte, ène pière istorike
Qu'on akeûrt vîr dè tous costés :
'L tâbe dès soûrcières au Bo dès Rokes,
Qui date bi d'avant Jézu-Cris.
Nos grands-méres poûrtène leûs lokes
Pou lès laver yè lès rpoli.
In si bia cwin, c' èsst' inmankâbe,
Atir' ène masse dè pèlèrins
Qui parcoûr'tè tout no vilâdje
Pa tous lès voyes, pa tous lès tch'mins :
A Mont Plézi, au Bo dès Nones
Aux Cacous, à 'l Bruyère Tous Vints
Au Boskèt d' Aye, ou bi à Samme
On d' in rinconte dins tous lès cwins.
Edmond Pletinckx, père de Jean.
Virginal
De tous les villages à la ronde,
C'est bien Virginal qui est le plus beau !
Quand tous les autres sont encore dans l'ombre,
A Virginal, le soleil luit déjà !
Quand ailleurs il y a de la boue
A Virginal, il n'y a jamais de fondrières.
Le sable, ça ne fait rien si on le remouille,
D'autant que, plus il pleut, plus il fait beau !
Refrain
Dans tous les environs
Y a pas d'plus beau voisinage,
Tout est gai, et joli,
C'est un vrai paradis.
En hiver, en éte,
Y a pas de quoi s'embêter.
Quand on n'a rien à faire
On va se promener.
Nos anciens, pour patron de notre paroisse,
C'est le grand Saint-Pierre qu'ils ont choisi,
Se disant que pour avoir une belle place,
Il fait bon d'être bien avec le portier !
Et le grand Saint Pierre toujours bonasse,
De l'honneur a voulu les remercier :
C'est pour ça qu'il a fait de notre paroisse
Un vrai petit coin de paradis !
Le panorama est magnifique,
Nous sommes plus haut que tous nos voisins.
Si on avait de bonnes lunettes,
On verrait jusqu'à Louvain.
On aperçoit le clocher de Nivelles,
La butte du Lion de Waterloo,
Le Palais de Justice de Bruxelles,
Et tout autour, beaucoup de bois.
La contrée est très pittoresque,
Il y a des collines à volonté,
Des champs et des prés tout de guingois,
De grosses haies autour des prairies.
Nous sommes arrosés par la Sennette,
Et par le Ry du Bassindji.
Il y a des petits coins pour faire trempette,
Où on n'est jamais dérangé !
Nous avons quelque chose d'artistique :
L'église de marbrite de Fauquez.
Et tout contre, une pierre historique
Que l'on accourt voir de tous côtés :
La table des sorcières au Bois des Rocs,
Qui date bien d'avant Jésus-Christ.
Nos grands-mères y portaient leur linge
Pour les laver et les repasser.
Un si beau coin, c'est immanquable,
Attire beaucoup de pélerins
Qui parcourent tout notre village
Par tous les sentiers, par tous les chemins :
A Mon Plaisir, au Bois des Nonnes
Aux Cacous, à la Bruyère Tous Vents
Au Bosquet d'Aye, ou bien à Samme,
On en rencontre dans tous les coins.
Rvazis avu bièsses yè mouchons |
Dictons |
|---|---|
| Pou qu'èrvène à 'l tièsse les rvazis què vos avez intindus, yè pou lès djon.nes qui n'ont ni yeu l'ocâsion d' lès intinde. | Pour remémorer les adages, expressions, dictons, proverbes, maximes (« rvazis » en wallon) que vous auriez entendus, et pour les plus jeunes qui n'ont pas eu la chance de les entendre. |
| Croki l'pouye sins l'fé criyi. | Croquer la poule sans la faire crier : faire un mauvais coup en douce. |
| El moukè est dins les pouyes. | L'épervier est dans le poulailler : il y a de l'embrouille dans l'air. |
| On n'acoupèle ni lès agaces avu lès coûrbaus. | On n'accouple pas les pies avec les corbeaux : on ne mélange pas les torchons avec les serviettes. |
| Vos sté co pus pire qu'in mâle d'agasse. | Vous êtes pire qu'un mâle de pie : vous êtes trop pressé. |
| Min.ner tapâdje come ène agasse qu'a vu in rnaud. | Mener tapage comme une pie qui a aperçu un renard : voir quelque chose et en faire tout un plat. |
| Dèspindez vo gayole, vo pinchon est batu ! | Dépendez votre cage, votre pinson est battu ! : taisez-vous, votre combat est perdu ! |
| Quand 'l batch est vûde, 'l pourcha grougne. | Quand le bac est vide, le cochon grogne : la misère rend grognon. |
| I faut acater ès' mézo fète, yè 's pourcha cras. | Il faut acheter sa maison faite et son cochon engraissé : il ne faut pas investir dans l'inachevé. |
| Les bones cavayes s' vindent au staule. | Les bonnes cavales se vendent à l'écurie : il ne faut pas chercher au loin ce qu'on trouve près de chez soi. |
| On n'rinvèye ni 'l tcha qui doûrt. | On ne réveille pas le chat qui dort : il ne faut pas remuer inutilement la m… |
| Yèsse t'aussi mau à l'éje qu'in tcha dins n-in guèrsèli. | Etre aussi mal à l'aise qu'un chat dans un groseillier : se trouver dans une situation inconfortable. |
| Quand on vût tuwer 's tchi, on dit qu'il a des puces. | Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a des puces : se donner bonne conscience. |
| Il est come èl coucou : il a pus d'bètch què d'cu. | Il est comme le coucou, il a plus de bec que de cul : il a une grande gueule et peu de savoir-faire. |
| I tuw'roût in pû pou avwêr és' pia ! | Il tuerait un pou pour avoir sa peau ! : il est très avare ! |
| Il a sté spani avu ène keûye dè soret. | Il a été sevré avec une queue de sauret : c'est un soiffard (le sauret est réputé très salé). |
| I tit l' tcha pa 'l keuwe ! | Il tient le chat par la queue : il est dans de mauvais draps ! |
| C'est st-in pu su in pègne, i n'pû mau ! | C'est un pou sur un peigne, il ne peut mal ! : c'est une personne sans intérêt ! |
| Lès poûves yè lès keuwes dè tchi on lès lèye toudi padière ! | Les pauvres et les queues des chiens, on les laisse toujours derrière ! : on ne s'occupe pas des laissés pour compte |
| Pusk' 'èl bouc sint mauvé, pusk' èl gate èl vwèt volti ! | Plus le bouc pue, plus la chèvre en est amoureuse ! : quand on a quelqu'un dans la peau… |
| Pusk' èl sindje monte waut, pusk' on vwèt què 's cu est pèlé ! | Plus le singe grimpe haut, plus on voit que son cul est pelé ! : au plus on se met en avant, au plus on voit les défauts ! |
| C'est ni quand 'l via est st-incouru qu'i faut sèrer l'èstaule ! | Ce n'est pas quand le veau s'est enfui qu'il faut fermer l'étable : quand le mal est fait, c'est trop tard ! |
| Ç' n'est ni quand 'l pourcha est st-invwèye qu'i faut cloûre l'uch du ran ! | Ce n'est pas quand le cochon est parti qu'il faut fermer la porte de la porcherie ! : même sens que supra. |
| C'est ni à coups d èscoréye qu'on fé avanci les lum'sons ! | Ce n'est pas à coups de fouets qu'on fait avancer les limaçons ! : il faut choisir les bons moyens. |
| Allez vous z-in brider lès lum'sons yè gorler les canards ! | Allez brider les limaçons et harnacher les canards ! : allez au diable ! |
| Ca li va come des guètes à un lapin ! | Ca lui va comme des guêtres à un lapin ! : il est mal fagoté. |
| On diroût tout in n-èrin scapé du Carême ! | On dirait un hareng rescapé du Carême ! : il est maigre à pleurer. |
| Quand on a sté agni pau leu, on n'va pus au bo ! | Quand on a été mordu par le loup, on ne va plus au bois ! : il faut tirer les leçons des mauvaises expériences. |
| Quand les sindjes sont soûrtis, i va fé bia ! | A l'adresse de personnes en promenade beau : allusion aux coucous suisses avec personnages mobiles ! |
| Il est rlètchi come in via q'a deux méres ! | Il est léché comme un veau qui a deux mères : il est tiré à quatre épingles, il est chouchouté. |
| « Tout 'l monde pût s'tromper » come dit l'nièrson monté su 'n brouche à racènes ! | « Tout le monde peut se tromper » comme dit le hérisson monté sur une brosse à chiendents ! : l'erreur est humaine . |
| Il est st-aussi à s'n'éje qu'in pèchon dins les cindes ! | Il est aussi à l'aise qu'un poisson dans les cendres ! : il est dans une situation inconfortable. |
L'ârtisse Pierre Lisart, décimbe 2006.
Dji ratinds
Qui ç-qui n' ratind ni 'l moumint
Dè daler rtrouver sès djins ?
T' i ni vré cousin Batisse ?
Ayèr au nût', djustèmint,
Dj'ai co pinsé bi lonmin
Au payi qui no ratind
Lauvau, dou costé d' Tubisse… !
Dji stoûs dins l'èstacion d' ène vile bi lon dèdci,
Lé l' uch, èl gardè-sale criyoût come in sauvâdje
Ène ribambèle dè nos, pus d' chinkante, sins
minti.
Djusk' au no du pus p'tit vilâdje
Pou yusk' èl train daloût pârti.
Yè tout in ascoutant 's ramâdje,
I m' chènoût què lauvau bi lon,
Ène saki tchantoût in walon
Dès nos, branmin pus bias, come i n' d'a ni
d' parèy' !
C'èstoût 'ne musike dins mès orèyes :
Clabecq – Vèznau,
Èt Brin.ne Chatau,
Èl boskèt d' aye,
Èl coq sul baye,
Èl Plantche à l' Hou,
Èl cinse du Pou,
Lès prés dè Scoûte,
Èt dèl Drignoûte,
Èl bo du Rnaud,
Èl Moulin dèl Vau,
Èl vièye tchapèle dè Djène,
Èt lès tiènes dè Nardène,
L'amia dou Roudj' Bouton,
Èt l'èclûje dè Skimpont,
Èl Falîje, èl Marache,
Èl Pré d' l' Aite, èl pont d' Ache,
Èl pièsinte du Pré Rosé,
Èyè 'l batayon caré !
Èt come èl gârdè-sale avoût pièrdu
'S n'alin.ne à criyi come in possédé,
Dji li dis : « Hé, vî ome, èst-ce à 'm toûr dè
passer ? »
« Vous ! disst' i, ké train ratindez ? »
« Ké train, 'm colau ? Mins c'esst' éjièle à adviner »
Puskè dji d'meûre al Longue Sèmin.ne :
« Dji ratinds l'exprèss d' Auti-Brin.ne ! »
Bertha Heubrecq - Jacqmin, vers 1960.
J'attends
Qui n'attend le moment
D'aller retrouver ses gens ?
Pas vrai, cousin Baptiste ?
Hier soir, justement,
J'ai encore pensé bien longtemps
Au pays qui nous attend
Là-bas, du côté de Tubize… !
J'étais dans une gare, dans une ville lointaine,
Près de la porte, le garde criait comme un fou
Un tas de noms, plus de cinquante, sans mentir.
Jusqu'au nom du plus petit village
Vers où le train allait partir.
Et tout en écoutant son ramage,
Il me semblait que là-bas bien loin,
Quelqu'un chantait en wallon
Des noms bien plus beaux, sans pareils !
C'était une musique dans mes oreilles :
Clabecq – Virginal,
Et Braine-le-Château,
Le bosquet à la haie,
Le coq sur la barrière,
La Planche à l'Houx,
La ferme du Pou,
Les prés de Schoot,
Et de la Drugnode,
Le bois du Renard,
Le Moulin Del Val,
La vieille chapelle de Jeanne,
Et les côtes de Nardenne,
Le hameau du Rouge Bouton,
Et l'écluse d'Askempont,
La Falise, la Marache,
Le Pré de l'Aite, le Pont d'Ache,
Le sentier du Pré Rosé,
Et le Bataillon Carré !
Et comme le garde-salle avait perdu
Haleine à force de crier comme un possédé,
Je lui dis : « Mon vieux, est-ce à moi de
passer ? »
« Vous !, dit-il, quel train attendez-vous ? »
« Quel train, cher ami ? Mais c'est facile à deviner »
Puisque j'habite à la Longue Semaine :
« J'attends l'express pour Wauthier-Braine ! »
Èl Ry Ternel a rézo
Poukoû ç-qu' èl Ry Ternel
Èn' veû-t-i ni daler pus lon què Skimpont ?
Si voûroût, c'est djusk' à Nivèle
Èt d' l'aute costé, 'squ' à Sinte Èrnèle
Qu' i diroût poûrter sès pèchons !
I pass'roût dins 'l Dodin.ne,
Tout fièr, arosant lès chabots dès Aclots.
Ou bî, su Ronquières yè su Brin.ne
I s' indiroût pa-d'zou lès tchin.nes
Dè l'amia dou Tchârli dès Bos.
Raviz-il, i passe oute
I keûrt, il arife sans djoki, oute d' Inghi.
Èt si vwèt dès rivières su 's route,
I vos lès avale come ène goute,
Kèstion seûl'mint d' ès' rafrèchi.
S'il l' avoût dins l' idéye,
I diroût dinsi, sans lachi, no p'tit Ry !
L' Escaut ?, i n' d' in froût qu'ène bouchéye !
Èyè pou fini 's randonéye,
Dins la mèr i s' lèy'roût glichi.
Mins dji vos 'l dis, nèt' come buzète,
No ri n' vût ni daler si lon dè Skimpont.
Èl Mau Stitchi, 'l Moulin Favète,
Lès magrites dès prés dèl Sènète,
C'est tout ç-qu'i faut pou 's n-imbicion.
Ès' grand boneûr, i m' chène,
C'est d' flérer l' odeûr dè goudron à Skimpont.
C'est d' vîr passer 'l train dè Scaussène,
Yè d' intinde lès vatches dèl Copène
Erbeûler dins lès invirons.
Bertha. Heubrecq – Jacqmin, vers 1960.
Le Ry Ternel a raison
Comment se fait-il que le Ry Ternel
Ne veut pas aller plus loin qu'Askempont ?
S'il le voulait, c'est jusqu'à Nivelles
Et de l'autre côte jusqu' à Saintes
Qu'il irait porter ses poissons !
Il passerait par la Dodaine,
Tout fier, arrosant les sabots des Aclots.
Ou bien vers Ronquières et vers Braine
Il s'en irait sous les chênes
Du hameau du Charly des Bois.
Regardez, il passe outre
Il court, il arrive sans s'arrêter plus loin qu'Enghien.
Et s'il voit des rivières sur sa route,
Il vous les avale comme une goutte,
Question de seulement se rafraîchir.
S'il en avait l'idée,
Il irait ainsi, sans relâche, notre petit Ry
L'Escaut ?, il n'en ferait qu'une bouchée !
Et pour finir sa randonnée,
Dans la mer il se laisserait glisser.
Mais je vous le dis clair et net,
Notre Ry ne veut pas aller aussi loin d'Askempont.
Le Maustichy, le Moulin Favette,
Les marguerites des prés de la Sennette,
C'est à la mesure de son ambition.
Son grand bonheur, me semble-t-il,
C'est de sentir l'odeur du goudron à Askempont.
C'est de voir passer le train d'Ecaussinnes,
Et d'entendre les vaches de la Copenne
Beugler sans cesse dans les environs.
Èl tchapèle à deûs ârbes
Dèspû ayêr, èl tchapèle à deûs ârbes èn' d'a pus qu' yun. C'est dinsi dins les min.nâdjes, i d' a toudi yun qui s' inva 'l promi. Èl maleûreû, skèté in deûs est là…, stindu au mitan du tch'min ! I faut dîre qu'il avoût intrè deûs cints yè twès cints ans… !
Ès' compère, dwèt come in I l'ravise pèneû, dbauchi, mér seû pou 'l rèstant d' sès djoûs. Ça va bi li chèner drole, pus pèrsoûne pou bate ène dèvisse, raconter tout çu qui li passe pal tièsse, sès ptitès mizères, ès' plézi d' vîr èl solèy' s' èrlèver, èl pieufe tchér à rlaye. Inchène raviser les cyins qui vnont dîre ène pètite priyère ou bi les amoureûs qui passont… !
Asteûr, il âra tout 'l temps d' pinser à ses rumatisses, à ses pîds indjèlés in ratindant qu' ène bourasse passe co par là pou l' èstèfler à 's toûr.
Adon, on fra avè li come avè 's coumarâde… du bo à brûler… ! L' iviêr, au culot d' l' èstûve lès pus viyès djins s' souvéront co lonmin d' yeuss'.
Yè tèrchèdon, pou astoki Notre-Dame, balotéye pa tous vints, sins pèrsoûne pou 'l rastèni, on rplantra deûs djoûnes tiyeus.
Si d' vîr ès' tablau-là m' a télmint touchi c'est putète ètou paskè dj'ai souvnance d'in djoû d' mai karante èyuskè les aviyons pètaradine au d' zeûr dè nous, lès évacuwés, yè qu'èm' moman strapéye à d'in pièrde èl rézo n' a ri trouvé d' mèyeû, pou m' mète à yute què d' m' imbroki dins ène èstokéye d' ourtéyes au pîd dèl tchapèle à deûs ârbes !
Marie-Thérèse Temmerman-Druet (texte en parler aclot), èl 24 dè jwin 2004.
La chapelle aux deux arbres
Depuis hier la chapelle aux deux arbres n'en a plus qu'un. C'est comme ça dans les couples : il y en a toujours un qui part le premier. Le malheureux, brisé en deux, est là… étendu au milieu du chemin ! Il faut savoir qu'il avait entre 200 ou 300 ans !
Son compère, droit comme un I le regarde, penaud, désolé, solitaire pour le restant de ses jours. Ça va lui sembler bizarre : plus personne à qui parler, raconter ce qu'il pense, ses petits ennuis, son plaisir de voir le soleil se lever, la pluie tomber dru. Ensemble regarder ceux qui viennent dire une petite prière, ou bien les amoureux qui passent.
Maintenant, il aura tout le loisir de penser à ses rhumatismes, à ses pieds gelés, en attendant qu'une bourrasque passe par là pour le jeter à son tour.
Alors, on fera avec lui comme avec son ami… du bois à brûler… ! L'hiver, près du poêle, les plus vieux se souviendront encore longtemps d'eux.
Et alors, pour accoter Notre-Dame ballottée par tous les vents, sans personne pour la retenir, on replantera deux jeunes tilleuls.
Si la vue de ce tableau m'a tellement touchée, c'est peut-être que j'ai le souvenir d'un jour de mai 40 où les avions pétaradaient au-dessus de nous, les évacués, et que ma mère, effrayée à en perdre la raison n'a rien trouvé de mieux, pour m'abriter que de me pousser dans un paquet d'orties au pied de la chapelle aux deux arbres !
Yite au dérni kârti dèl bèle
Mès brâves djins,
Co d' èl pieuf,
Toudi dèl pieuf à rlaye,
Si 'l Ry Ternel dèsboûrdroût,
Tout 'l bas d' Yite pèriroût.
Intrè nos swèt dit,
Quand ça n' va pus qu' d' ène fèsse,
I faut s' mète dins 'l tièsse
Què quand l' ocâsion s' présinte,
I n' faut jamé s' mète à yute
Pou 'ne nuwéye dè plézi !
« Carpe diem !», coudez 'l djoû qui vit !
Dins 'm djoûne timps nos a dit
No profèsseûr, bî fèré in istwêre
Yè qui prétindoût tout savwêr,
Toki qu' i stoût d' Horace.
Sti-ci pus vièy' què Jésus-Christ,
Avoût branmin scrit :
In moncha d' èsprèssions fètes insprè
Pou sprècter 'l bia parlâdje yè nos fé inmarvoyi.
Ascout'èl :
« On a qu'èl bi qu' on s' fét »
« I faut sézi 'l toûr pa lès coûrnes »
« Yè prinde èl timps come i vit »
« L' iviêr est co lon
quand al Sinte-Tèrèse i fét bon ! »
A ç-n-ocâsion-ci, pou l'anéye à vni,
Dji vos souwéte in plin bènia
D' bons moumints yè 'ne brow'téye
Rbrotchante dè bouneûr !
Radjoutez à ça ène sante toute èrlûjante,
Yè 'ne bone anéye mwins' èrmouyée,
Finichant pas s' rasclèrci.
Lès amis n' sont ni dès manses dè brouches,
Mès bounès djins,
T'aussi seûr, in coup pou toutes,
Yè, èl tout prèmi, dji vos rimbrasse tèrtous,
Pou dès bias djoûs in bètche su chake machèle !
In né-natif, vikant sul vilâdje.
Florent Ballant, janvier 2001.
Ittre au dernier quartier de lune
Mes bonnes gens,
Encore de la pluie,
Encore et toujours de la pluie,
Si le Ry Ternel débordait,
Tout le bas d'Ittre périrait.
Entre nous soit dit,
Quand ça ne va plus qu'à moitié,
Il faut se mettre en tête
Que quand l'occasion se présente,
Il ne faut jamais se mettre à l'abri
Pour une nuée de plaisir !
« Carpe diem ! », cueillez le jour qui vient !
Quand j'étais jeune, nous a dit
Notre professeur, bien ferré en histoire
Et qui prétendait tout savoir,
Toqué qu'il était d'Horace.
Celui-ci, plus vieux que Jésus-Christ,
Avait beaucoup écrit :
Un tas d'expressions faites exprès
Pour affecter un beau langage et nous énerver.
Ecoutez-le :
« On a que le bien qu'on se donne »
« Il faut prendre le taureau par les cornes »
« Et prendre le temps comme il vient »
« L'hiver est encore long
quand à la Sainte-Thérèse il fait bon »
A cette occasion-ci, pour l'année à venir,
Je vous souhaite un plein tombereau
De bons moments et une brouettée
Débordante de bonheur !
Rajoutez à ça une santé reluisante,
Et une bonne année moins pluvieuse,
Finissant par s'éclaircir.
Les amis ne comptent pas pour rien,
Mes bonnes gens,
C'est bien sûr, une fois pour toutes,
Et, le tout premier, je vous embrasse tous,
Pour de beaux jours un bisou sur chaque joue !
Un né-natif, vivant au village.
Dj' ai l'acsent
Vous dites que j'ai l'accent, Madame, et vous avez raison.
Aucun doute n'est possible, et c'est l'accent wallon.
Je n'ai rien fait pour le perdre, jamais je n'ai voulu.
Rien ne me dit d'ailleurs que j'y serais parvenu.
Èm' n-acsent, c'est come in n-insigne : dj'èl poûrte
A 'm boutonière, c'esst'in drapia qui flote !
C'est no drwèt, après tout : nos maman nos l' a doné,
C'esst'à nous yè on dwèt d' in yèsse fièr, c'esst'ène marke
Dè fabrike, c'esst'in cèrtificat, c'esst' unike !
Mi, dji sûs fièr du mi, dj'èrdresse èm' boudène quand
On m' dit : « vous, 'm fi vos astez d' Yite » !
Ène langue sans acsent, c'est come du pangn' sans sé,
Dèl salâde sans vinégue. L'acsent mèt dèl muzike
Autoûr dè nos paroles. Quand in Francès dit « La France »,
Djè n' sâroûs l'dîre come li ! Mins quand djè dis « Waloniye !»,
I n' sét ni l' dîre come mi. Continuwons à pârler walon !
José Peeterbroeck mârs 2019.
Is stine à deûs sul banc
Em' mounonke Omér avoût fét leu portrèt fin des anéyes 40.
On les rcounichoût bi su 'l foto. Wétiz :à gauche, èl grand nwêr dè tch'feus : Batisse Keteleer2, dè Vèznau. A drwète, avu 'ne tièsse come in djoûne dè bèdot : Constantinus Culot, dit Stan, dè Tournèpe - Dworp. Mès omes astine achîs su in banc in bèton, (don de la Cimenterie d'Obourg – gift van Obourg Cement) ène sadju intrè Clabecq yè Limbèk.
A leûs pîds, in atiray' dè pècheû : canes à pèche, bouriches, bwèsse à amoûrces, à moulons, à vièrs, à auzins, èc' cétèra.
Batisse travayoût à Bussink'3, dins ène usine dè praniles. El' patron, in Anglès, s'apèloût Dass, Oliver pou 's pètit no. El feume du patron s'apèloût Léonie. Come ça aroût fé drole de mindji des praniles Oliver-Dass, on a chwèzi Léonie pou 'l marke. ! Léyonie-Dass.
Stan boutoût à Clabecq.
Batisse yè Stan, qui n' sè counichine ni co, daline à vèlo, chake à leu n-ouvrâdje, pau long du canâl.
In djou, Batisse, bi dins ses ratrapes4, tchét su Stan qui poussoût 's biciclète.
- In problèm' camarâde ?
- Ah, waye, hé, mènîr, zeg, z'ai in platteband !
- Bah, dins n'in kârt d'eûre, ça s'ra rmis d'alur' : dj'ai dès minutes pou désmantchi vo pneu yè des Tip Top, pou rfé 'l fwite !
- Zeg, dank u branmin pou yèsse gestopt hé ! Comint ç-què tu t'apèles ?
- Batisse, dè Vèznau, ém' spo c'est Pranile, pasquè d' travaye pou Léonie-Dass.
- Mi c'est Stan, dè Tournèpe, on m'apèle Crolé, tu vîr pouquè hé !
- Pou in flamin, vos parlez bi walon, ayu avez apris ça ?
- Mi zè boute à les Foûrdjes, au cubilot : mes camarâdes, c'est bran.min des walons yè des italianen, come èm' n-ome dè coupe Luigi.
- Vos vos compèrdez bi avè Luigi ?
- Ah ya, mi zè li dis « bondjoû macaroni ! », alors li, nwêr in colére, i rèspond kè ze m'apèle pas Stan Culot, ma Fan… : « Fan Culot ! ».
Yè les vlà a fé counichance, à s' raconter leûs feumes, leûs èfants, leûs famiyes, leûs pas'mints d' timps. Batisse raconte qu' i djeûwe d'èl muzike à bouche, Crolé d' l' armonica5. Yeuss' deûs sont pècheûs !
Si bi, què final'mint, is s'ont rtrouvés à pèchi su 'l banc d'Obourg intrè Clabecq yè Limbèk, au mitan du tch'min à fé intrè Vèznau yè Tournèpe. Is v'nine avu leûs ostis, leûs brikèts6 : in garlo7 d' cafè,des târtines.
- Zeg, Batisse, ton feume, quou ç-qu'èle mète su ton boterham ?
- Du stron d'pouye !
- Stron d'pouye ? Wat is dat pou 'ne sakè ?
- D'èl sirope dè Lîdje avu d'èl makéye !
- Verdomme ! Faut yèsse walon pou mindji ène smeerlaperij dinsi ! Mi c'est boterham avu ène amlète8 à 'l mustôde* ! Lekker ! Tu veux asprober ?
- Non fé, dji n'ôuz'rous d'djà ni doner ça à mes pourchas, is s'rine malâdes direk ! Is s'mètrine à bèrdèler9 in flamin !
- Batisse,tu speelt met mes voeten hé ! Kijk, come les pèchons, yeuss' bètchi10,ze vas amoûrci avu le rèsse de nos boterhammen, yè tu vas vîr.
Vlà Crolé qui va dins l' tchamp d' a costé, qu'apisse11 ène miète d'arzîye12 yè gadrouye13 les rèsses des târtines. Avu 'l macayance14, i fét des boulètes qu' i tape dins l'eûye. Deûs minutes pus târd, vlà qu'ça couminche à machi15 dins 'l canâl, pus pire qu' dins n-in cok'mâr16 qui s'roût au mitan d'in stûve qui brouye ! Lès pèchons s' mète à saut'ler pa t'avau toutes, yè min.me à spiter woûr dè l'euye, djusk'à rtchér à sto du banc, su les pîds d' Batisse yè d'Crolé ! Tèrtou font daler leu bouche, èl min.me qu'ène saki qu' asproufe' dè ravwêr ès' n'alin.ne.
- Tchieu, Crolé, vos l'avez rèyussi avu vos amoûrces ! Wétiz ces poûves bièsses-là, èles font daler leu lèpes come si èles voudrine dire ène sakè !
- Batisse, èm' bia-frére, li yèsse moya17, yè mi dji su abituwé à lezen sur son bouche kèsk'i vût dire !
- Ca y est, vlà in flamin qui pârle pèchon asteûr ! D'ai djà intindu des droles, mins stèle-cîle !
- Ascoute Batisse, èl pèchon i zegt : putoût mori què d'nadji dins des amlètes à 'l mustôde18 yè du stron d' pouyes !
Là-d'su, vlà mes omes qui s' pète à rire, dîx minutes dè long, in wétant d' ni pichi dins leû marone.
- Goed, Batisse, ascoute, dimince qui vit, nos dalons prener nos instrumints pou fé muzike.
- Bone idéye Crolé.
El dimince d'après, à 'l pikète du djou, is ont couminchi à pèchi : des roches, des roussètes, des bramètes19, des pèrcos20, à rimpli leûs bouriches.
Pou din.ner, is avine apoûrté à bwére : d'èl gueuze pou Crolé, du Chassart pou Batisse. Quand is ont sté su l'ér, is ont fét concèrt d' armonica yè muzike à bouche : des valses, des polkas, des scotichs, des arguèdènes21. Il avoût d' l' ambiance au boûrd du canâl ! On n'avoût jamé vu ça. Les autes pècheûs ont v'nu d' lé yeuss' yè ont fé fièsse come au ponton d' Bolozac22 à l' Pint-coute !
Lès diminces d'après, èrbèguine, Batisse yè Crolé avine dè pus in pus d' coûmarades qui v'nine ascouter èl flamin yè 'l walon. Qu'is avine batijis les Ancyins Bèlches.
Ça a duré toute èl campagne.
In dimince dè sètimbe, Crolé n'est ni rintré à 's mézo. Es' feume a cachi après. Rî, pu pon d' Crolé. El lindmin, l'èclûsié du 4523 a trouvé in n-armonica au boûrd du canâl, dins les rojas. In cachant pus long, on a rtrouvé 'l vélo d' Crolé. Trwès djoûs pus târd, il a rmonté au d'zeur. I n' astoût ni bia. El sèm'di on l'a intèré.
Quand on a sté pou dèskinde èl lûja24 in tére, Batisse, tout trimbèlant, a couminchi à djeuwer :
« A mon mézon… quand mes èfants… zè brére…mi prinds… 'm n' acordéyon… ».
Mitan brèyant li-min.me, Batisse, stièrdant ses îs, a rpris alin.ne kéke moumints. Il a rcouminchi :
« Cordé… yoneu… mi c'est toudi zwoy… eu… ». I s'a arèté. Tous les djins brèyine.
Batisse a lèyi tchér ès' muzike à bouche dins 'l trau, à costé d' l' armonica. Rintré à 's mézo, Batisse a tapé ses canes à pèche su 'l guèrni. Pou toudi.
Audjoûrdu, si vos pourmènez dè Clabecq à Limbèk, i n'a pus d' waut-fournau qui lume, pus d' banc d'bèton pou s'achîr.
Eureûsmint, on a co 'l foto pou s' souv'ni du vî timps, d' Crolé yè d' Batisse, flamin yè walon, quand is stine co à deûs su 'l banc. Des Ancyins Bèlches.
Jean-Marie Gervy, 22 septembre 2007.