Dictionnaire Wallon-Français pour Ittre, Haut-Ittre, Virginal et environs

Que savoir du wallon ?

Les bases du wallon

Comment lire le wallon et petit rappel de quelques règles de la grammaire wallonne Feller :

Le wallon s'écrit et se lit syllabe par syllabe : bon/djou à tèr/tou.

On ne redouble pas les consonnes sauf le « s », et parfois le « r » dans certains futurs et conditionnels. « Trompète » pour trompette, « anéye » pour année, « walon » pour wallon, « caskète » pour casquette. Nos mor'rons tèrtou.

Piège : « inne » à prononcer « in/ne » comme « ai/ne ». Pour faciliter la lecture, on écrira « in.ne ». Exemple : « il est bièsse à mindji dè l'avin.ne » pour « il est bête à manger de l'avoine ».

Le son « an » comme ange ou gendarme, s'écrit « an » : anje et jandarme.

Les « qu » deviennent « k », sauf « qui », « què », « quand » et « djusque », « squ » : « èl' keûye du tcha » pour « la queue du chat », « in kârt d'eûre » pour « un quart d'heure », « kasimint » pour « quasiment » et « dji boute djusqu'à chinke eûres » ou « squ'à chinke eûres ».

Avec le verbe avoir, les participes passés sont invariables, ne s'accordant pas avec le complément d'objet direct : « les prones què dj'ai coudu » (et non « couduwes ») pour « les prunes que j'ai cueillies ».

Les verbes pronominaux ou marquant une action se conjuguent toujours avec avoir/avwêr et non être/yèsse : « djè m'ai fét mau » pour « je me suis fait mal », « djè m'ai rlavé » pour « je me suis lavé », « djè m'ai abusé » pour « je me suis trompé ».

Certains mots changent de genre : « in boutike » pour « une boutique », « in casake » pour « une veste », « in pun » pour « une pomme », « in staule » pour « une étable/écurie », « du bia strin » pour « de la belle paille », etc.

D'autres mots possèdent les 2 genres : « dji l'ai su 'm gros dint » pour « je l'ai sur ma grosse dent » et « les faussès dints ça m' jin.ne » pour « les fausses dents, ça me gêne ».

Les terminaisons en -ent des 3ème personnes du pluriel deviennent -e : « is done » pour « ils donnent », « is vène » pour « ils viennent ». La 3ème personne du pluriel devient parfois aussi « is don'nè » et « is vèn'nè » ou « is done'tè » et « is vène'tè ».

Lors de l'emploi d'un pronom relatif, la suite de la phrase se conjugue à la 3ème personne : « c'est mi qu'a vnu t' taleur » pour « c'est moi qui suis venu tout à l'heure ».

Sauf après un « c », les « » disparaissent : dji sus eûreû (heureux) yè maleûreû, et à ké eûre (heure) vènez ? Toutefois, le « H » peut rester au début d'un nom propre. Èl Houssière.

Le pluriel des mots en « eu » et « ou » s'écrit « eus » et « ous » : dès ibous eûreûs.

Le pluriel des mots en al, devient als : in canâl, dès canâls ; in cardinâl, dès cardinâls.

Le « tu » n'existe pas, sauf dans téj'-tu ! (tais-toi). On entend parfois : sake-tu !, ou boudj'tu ! (bouge-toi), spék-tu ou dispétch-tu ou dispék' tu (dépêche-toi) et achîde-tu (assieds-toi) !

On emploie aussi les articles contractés ; « dèl » pour « de la », « pal » pour « par le » ou « par la », « sul » pour « sur le/la » et « al » pour « a 'l » comme « dji vas al farmas'rîye ».

L'article contracté « aux » pour « à les » devient « à les » sauf dans quelques exceptions telles que yèsse aus-abwès, prinde èl moûr aus-dints, ène bwèsse aux lètes. On écrit aussi : aux.

Les articles « le » ou « la » deviennent « èl ». En cas d'élision on écrira 'l devant un mot autre qu' un verbe et commençant par une consonne. Devant un verbe, « èl » devient « l' ». Dj'ai vu 'l batia, djè vas l' vîr.

Pour des liaisons phonétiques, on écrira : il est st-eûreû ou il esst' eûreû.

Les mots qui commencent phonétiquement par « » comme on va rvèni, i rligne, rsatchi, se retrouvent sous la lettre « e » : (è)rvèni, (è)rligni, (è)rsatchi. Idem pour certains mots commençant par un « ès » phonétique : (è)scafiéye, (è)scaper, (è)scaupyî, (è)scole, (è)spotchi.

Les adjectifs se terminant par -e peuvent être accentués au pluriel par -ès s'ils ne terminent pas la phrase : ène bèle feume, devient des bèlès feumes, ène vîye mézo devient dès viyès mézos, etc.

Les « eu » comme dans feume, djeu, etc. se prononcent comme dans œuf ou teuf-teuf. Les autres « eû » comme dans maleûreûs sont coiffés d'un ^ sur le « û » pour signaler une prononciation allongée comme oeufs au pluriel ou heureux. Le in se prononce toujours comme dans pain, jamais ine. Le u se prononce comme dans uppercut, jamais ou.

Les mots se terminant par -tion en français, s' écrivent -cion en wallon : atincion à vous !

Certains verbes ont deux formes infinitives, se terminant soit par i, soit par : doûrmi ou doûrmu, tèni ou tènu, vèni ou vènu, etc.

Sauf exception, un si est toujours suivi du conditionnel, comme dans le fameux exemple « si 'l Dodin.ne dèsboûrdroût, tout Nivèle périroût ». Voir aussi la tournure de phrase qui change. Ainsi « si tu avais été la chercher » devient « si vos l'âriz sti ké ».

Pour mieux comprendre ce dictionnaire

Retenez bien les points suivants :

Les spos (adj., spoté, spotéye) sont des surnoms/sobriquets repris dans ce dictionnaire de façon anonyme, sauf autorisation du concerné ou de sa famille s'il est décédé. Ils correspondent souvent à une particularité de l'individu : familiale, physique, professionnelle, comportementale, d'habitat, etc. Ces spos, parfois comiques, moqueurs ou irrévérencieux traduisent surtout une forme de chaleur humaine à travers l'intérêt porté à la personne spotéye. On écrit aussi spot.

Les rvazis (Rv.) : sont des adages, dictons, maximes, proverbes qui amènent souvent des répliques (Répl.). Exemple : Rv. « Alez vo fé rfonde à Clabecq ! », Répl. « Trop târd, l'usine est skètéye ! ».

Conjugaisons : lès Vis Paltots ont pu reconstituer les conjugaisons les plus usitées, de l'indicatif présent au conditionnel présent, mais sont restés dans le doute quant au subjonctif présent, très peu en usage. Toutefois, ce temps est parfois repris ici mais sans trop de certitude. Voir : avwêr et yèsse pour les auxiliaires et : daler, fé, lèyi, moûre, plére, pouvwêr, raler, savwêr, sout'ni, tchér, tére, vèni, vîr, voulwêr, wéti, pour d'autres verbes.

La traduction en français reprend certains mots disparus du Larousse ou du Robert, mais figurant encore dans le Littré.

Les élisions se multipliant et se télescopant parfois en wallon, la lecture en devient souvent difficile, surtout devant une consonne. Pour une meilleure respiration entre les mots, l'espace après l'élision a été parfois volontairement accentué.

Au sujet de l'écriture et de la grammaire Feller

Dans L'Aclot du 30 novembre 1889, un supplément est dédié au « Folklore wallon » et précise « qu'il vient de se constituer à Liège une Société scientifique ayant pour but de recueillir l'ensemble des traditions et des croyances populaires ainsi que la littérature orale du pays wallon ». Cette société s'assura de trouver un accord sur la façon d'écrire les textes dits patois afin qu'ils soient compréhensibles par toutes les régions de Wallonie.

Faisaient notamment partie de cette société le Nivellois Georges Willame1 et le Verviétois Jules Feller professeur à l'Athénée de Verviers. Ce dernier publia en 1900 une grammaire qui porte son nom. Celle-ci mit une centaine d'années pour, à quelques nuances près, s'imposer presque partout au sud du pays.

Les premiers textes connus écrits en wallon datent du début du 17ème siècle et sont assez rares. Depuis le 19ème, ils se sont largement multipliés.

Les parlers wallons

Nés entre le 8ème et le 12ème siècle, des restes du bas latin importé par les légions, les colons romains, les marchands, les religieux, puis du gallo-roman, ils s'étalent sous la frontière linguistique dans une zone allant, en gros, de Visé à Malmédy à l'est, vers Rebecq et Chimay à l'ouest. Ces parlers ont été groupés comme suit :

  • Est-wallon : Waremme, Liège, Huy, Malmédy.
  • Sud-wallon : Marche, Bastogne, Neufchateau.
  • Centre-wallon : Wavre, Namur, Dinant.
  • Ouest-wallon : Nivelles, Charleroi, Philippeville, Chimay.

De Braine-le-Comte à Comines, en passant par Mons et Tournai, on parle le picard.

Haut-Ittre, Ittre et Virginal sont considérés comme pratiquant l'Ouest-Wallon ou Wallo-Picard, voisin du picard, parlé dès Braine-le-Comte.

Le wallon se retrouve aussi en France, du côté de Givet, de Beaumont et dans l'ouest du Grand-Duché de Luxembourg où il est en voie d'extinction. A titre anecdotique, citons encore le Wisconsin (USA) où il fut implanté au 19ème siècle par des colons de la région Wavre - Namur, mais où il est actuellement à l'agonie, voire en coma dépassé.

Quel avenir pour le wallon ?

Cette langue, faite de multiples « parlers endogènes » (on ne dit plus « patois ») vit ses dernières décennies. Il subsiste quelques foyers -Verviers, Liège, Namur, Charleroi, Nivelles, Braine-le-Château, etc. - militant pour la survie du wallon à travers textes et pièces de théâtre mais force est de constater que la moyenne d'âge de ces amateurs est très élevée. Ainsi, les jeunes acteurs de théâtre wallon font de leur mieux, mais trop souvent en ânonnant un wallon quasiment scolaire, qui a perdu toute spontanéité. Mais bravo pour leur enthousiasme ! Pour info, Le Soir du 2 mars 2018 cite le chiffre de 360000 personnes (10 % de la population) capables d'encore pratiquer couramment leur langue wallonne régionale.

En outre, la Belgique n'ayant pas signé la Charte européenne sur les langues régionales, ou minoritaires, adoptée par le Conseil de l'Europe en 1991, brèyons inchène !

Relevons toutefois que par décret du 24 décembre 1990, la Fédération Wallonie-Bruxelles reconnaît la spécificité linguistique et culturelle des utilisateurs des langues régionales endogènes. L'appellation englobe tous les parlers minoritaires développés parallèlement au français sur le territoire de la Fédération, qu'ils relèvent de l'aire romane (champenois, lorrain, picard, wallon) ou de l'aire germanique (le brabançon bruxellois, le thiois ou francique carolingien, le luxembourgeois ou francique mosellan). A ce jour, en Wallonie, seulement 13 communes sur 262, sont labellisées » Ma commune dit oui aux langues régionales » : Attert, Blegny, Brunehaut, Charleroi, Durbuy, Gerpinnes, Gesves, Herstal, Huy, Liège, Malmédy, Namur, Sivry-Rance. Sauf réaction immédiate, nos langues régionales sont donc appelées à disparaître très bientôt.

Remarque : certains rêvent d'un wallon « refondu » composé des termes que, pour désigner une même réalité ou idée, l'on retrouve le plus souvent en Wallonie. A ce jour, ce concept , très (trop ?) technique, est toujours en gestation mais mérite d'être étudié.

Pourquoi un dictionnaire spécifique à Ittre, Haut-Ittre et Virginal ?

Notre entité communale ne comporte presque plus de locuteurs (quelques centaines ?) capables de parler le wallon et de l'écrire (une dizaine ?).

Ce dictionnaire, qui ne peut être considéré comme LA BIBLE2 du wallon, reprend les mots et expressions encore connus à Haut-Ittre, Ittre et Virginal, visant ainsi à transmettre un héritage culturel aux générations qui nous suivent. Vu sa destination locale, les textes fourmillent d'allusions propres au village ou à ses habitants. Toutes remarques quand au présent ouvrage peuvent être adressées à jm.gervy@gmail.com.

Sont aussi repris les lieux-dits figurant sur les cartes Popp3 (± 1860).

Ittre se trouvant à moins de 10 km de la frontière linguistique le métissage des populations a amené dans notre parler local de nombreux mots « flamins ». Retenons aussi la traduction en wallon des toponymes : Lembeek devient Limbèk, Essembeek devient Skèbètch, Buizingen devient Bussinke, Huizingen (Wizinjean pour les Français) devient Ussinke, Alsemberg devient Zem'bèrg. Autre particularité : Saint Genesius de Rhode est un saint homme en néerlandais mais change de sexe en wallon : Rôde-Sinte-Jenèse.

Nous tenterons de mettre en exergue les nombreux mots wallons directement venus du latin et ceux d'origine germanique ou celtique ou autres.

Exemples :

  • étourneau, en wallon « sprowon » vient du latin « spreo » (voir le flamand « spreeuw »).
  • aller chercher, en wallon « kéri » ou « kére » ou « ké » venant de « quérir », guère usité en français.
  • tomber, en wallon « tchér », venant de « choir » et « cadere » en latin.
  • travailler, en wallon « wèrker » ou « wèrki » venant de « werken » en néerlandais.
  • vaurien, en wallon « albran » venant du haut-allemand « halb-erent ».
  • alleu, en wallon « alieu » dans « Brin.ne l'Alieu », venant du francique « al-ôd » terme féodal « tout bien ».
  • hache, en wallon « ape », terrain en forme de fer de hache, vient du francique « hapja ».
  • lit, en wallon « bèdèr », en néerlandais « bed ».
  • testicule, en wallon « clût' », du genre masculin en français, féminin en wallon (voir le flamand « kloot »).

Parler wallon, est-ce grossier ?

« Parler wallon, c'est grossier ! ». A ce refrain souvent ressassé par des parents souhaitant l'ascension sociale de leurs enfants – qui pourrait leur jeter la pierre ? – faisons remarquer qu'il n'y a pas de langue grossière mais seulement des locuteurs qui le sont (voir le Petit Bitu ainsi que d'autres chansons paillardes écrites en bon français).

Et citons Jean Haust, auteur du dictionnaire Liégeois - Français, qui, en 1933, précisait :

« Le parler populaire tient plus de Rabelais que des précieuses ».

« Le jour où nous aurons désappris le rude langage de nos pères, notre horizon sera peut-être élargi et notre génie plus policé, mais nous aurons perdu ce qui faisait un élément essentiel de notre personnalité ».

Le langage wallon est aussi exagérément machiste surtout dans les conversations où les dames sont absentes. D'avance, je présente toutes mes excuses aux lectrices que certains passages feraient sursauter. Mesdames, voyez-y des forfanteries lourdaudes de gamins mau spanis (mal sevrés). N'oublions pas non plus que l'emploi du wallon induit automatiquement un sentiment de complicité et de second degré inaudibles en français.

Quelques traits d'humour inspiré, désespéré, potache, pénible, bébête, gâteux (chake ès' n-avis), ponctuent les textes : bah, pus vî, pus sot !

Au risque de perturber le lecteur, quelques définitions relatent des situations vécues par moi-même ou par des proches. Merci pour votre compréhension, voire votre compassion.

En fin d'ouvrage, on trouvera quelques textes d'auteurs locaux :

  • Ballant Florent
  • Lebrun Laure
  • Lisart Pierre
  • Peeterbroeck José
  • Pletinckx Edmond
  • Pletinckx Jean-Marie
  • Temmmerman-Druet Marie-Thérèse
  • Vanderstokken Jeannine.
  1. Georges Willame, auteur Nivellois. Dans l'Aclot du 20/04/1890, il écrivait déjà : « On dit que le wallon s'en va : raison de plus, si cela est, pour recueillir avec un soin religieux la moisson encore abondante qu'il nous donne, comme on reçoit de la bouche d'un vieillard encore vert les précieux enseignements d'une longue vie ». Notons par ailleurs que Madame H. de Schoutheete, échevine de la Culture, octroya aux Vîs Paltots le Mérite Culturel en juin 2018.↩︎
  2. Le wallon s'étant transmis par pure oralité, il y a autant d'interprétations de cette langue qu'il y a de locuteurs encore en vie. Le présent ouvrage sera donc très critiqué :
    - Waye, mins à 'm mézo, c'est ni dinsi qu'on dit ! 
    - Què volez, on n'a ni yeû 'l timps d' fé tous lès mézos d'èl comune, mins branmin tout 'l minme !↩︎
  3. Les plans Popp de Haut-Ittre, Ittre et Virginal ont permis de localiser les lieux-dits connus vers 1860 et repris, en wallon, dans ce dictionnaire.
    Qui est Monsieur Popp Christian-Philippe (1805-1879) ? Sa famille est originaire de Utrecht (NL) mais est venue s'installer en Belgique vers 1818. Il débuta sa carrière à Mons, employé au service du cadastre. Dès 1842 il s'attela à établir le cadastre de toute la Belgique. Sur les quelque 2500 communes de l'époque, il en étudia 1800 avant de décéder en 1872. En 1858 il reçut la médaille de 1ère classe à l'Exposition de Dijon. Ses plans ainsi que le nom des propriétaires des parcelles sont accessibles sur le site kbr.↩︎